lundi 26 janvier 2015

Moi, mes dents, mon cauchemar.

Je sais que je vais être redondante, mais pour bien comprendre mon état d'esprit de vendredi soir, je dois revenir longtemps en arrière.

En 1998. La France Championne du Monde, toussa. 

Petite Prune adolescente boutonneuse j'avais les dents un peu de travers et un léger défaut de prononciation. On m'a donc envoyé voir une orthophoniste. Hormis le fait qu'elle me faisait bouffer des flamby alors que j'aimais pas le caramel, ça n'a servit à rien.

On m'a donc envoyé voir un orthodontiste. Il m'a fait arracher deux dents définitives "pour faire de la place". Appareil, bagues, élastiques, comme tous les jeunes de mon âge ou presque. Les années passant, mes amies se faisaient enlever leur appareil, mais pas moi.

On a vu un GRAND chirurgien dans une GRANDE clinique privée qui a dit que c'était de MA faute. Parce que je ne savais pas placer ma langue. 

On m'a donc envoyé voir un kinésithérapeute. Pour rééduquer ma langue. Oui la rééducation de la langue, ça existe. Il me faisait mettre ma langue au palais, che qui me faigait parler gomme cha, et m'a dit que che devait touchours parler gomme cha. Ce monsieur (très gentil par ailleurs) n'a jamais du être adolescent. Nouvel échec. 

Tentant le tout pour le tout, l'orthodontiste a placé deux gros élastiques sur le devant (ça aussi c'était génial pour ma vie sociale, on m'appelait Vampirella en colo, formidable.)

Peu de temps après le montage de ces élastiques, j'ai commencé à souffrir des dents. Terriblement. Nous sommes rentrés de vacances d'été je ne tenais plus. Dentiste en urgence "je ne peux rien faire pour vous, allez voir un orthodontiste". Orthodontiste en urgence "je ne peux rien faire pour vous, allez voir un dentiste". Entre temps, j'ai développé un abcès énorme, hôpital en urgence. Les élastiques, à force de tirer, ont cassé ma dent de l'intérieur. D'où l'abcès. J'avais 14 ans.

Alors l'orthodontiste, plutôt qu'admettre qu'il avait eu tort, a tout naturellement sorti à ma mère "on va enlever l'appareil, tout ça c'est parce qu'elle ne place pas bien sa langue, elle n'est pas mâture, revenez quand elle aura 18 ans". 

Voilà. 

Tout ça pour ça. 

A 18 ans, ma mère a entendu parler d'une de ses collègues dont l'enfant avait été opéré de la mâchoire. Nous avons vu une équipe orthodontiste/chirurgien à l'hôpital de Pontoise. 

Dès le premier rdv j'ai pris pleins d'émotions de plein fouet et je suis sortie en larmes. De joie, de déception, de dégoût, d'espoir, de craintes, aussi. 

"C'est une malformation de naissance" "Vous n'y êtes pour rien" "Il faut une opération" "il va falloir faire vite, a 18 ans les os se solidifient" "Mais vous n'avez pas assez de dents ! ça fausse l'équilibre de votre mâchoire" (rappelle toi l'arrachage des dents définitives...) "Par contre vos dents ont été vraiment maltraitées par l'appareil" "vous risquez de les perdre" "votre mâchoire est usée comme celle d'un homme de 80 ans" "ça va être très compliqué" "On va essayer"

Mes radios étaient encore pire que 7 ans auparavant. Mes dents ressemblait à du chou-fleur. ça partait dans tous les sens. J'avais souffert pour rien. Mais on savait ce que j'avais. Et je n'y étais pour rien. 

L'équipe a été formidable. J'ai porté à nouveau un appareil pendant 1 an. Je voyais beaucoup d'internes parce que j'étais un cas intéressant et l'orthodontiste leur disait toujours de faire très attention, de ne jamais me faire mal, que j'en avais eu assez. C'était un traitement tellement différent, tellement plus humain ! 

Enfin, le 18 décembre 2006, j'ai eu une grosse opération maxillo faciale. 5h d'opération, 1 semaine d'hospitalisation, 15 jours à manger liquide parce que j'avais la mâchoire bloquée, encore 1 an d'appareil, un fil de contention pour empêcher mes dents de tomber et voilà. 

TERMINE

FINI. 

Je ne voulais plus JAMAIS voir de dentiste de MA VIE. 

J'avais eu ma dose. 

Malheureusement mes dents, attaquées par toutes ces manipulations et des litres de coca ont développé beaucoup de caries que je ne sentais pas tout de suite, ayant perdu la sensibilité d'une partie de ma bouche. Il a donc fallu retourner voir le dentiste, assez souvent. 

La semaine dernière, je te parlais de cette dent que mon dentiste normand avait refusé de soigner.

Vendredi, je suis allée voir le remplaçant de mon ancien dentiste de région parisienne. Il était beau, il était jeune, il avait un bel accent. Mais il n'a pas soigné ma dent. "Elle est trop abîmée, je ne peux plus rien faire, il faut vous faire opérer... et comme il faut retirer vos dents de sagesses et que vous avez un kyste à la base d'une de vos plaques... vous connaissez un stomatologue ?"

Voilà. 

Je me suis effondrée. 

Il fallait que j'y retourne. A l'hôpital. Encore. 

Je sais que c'est moins grave. Que c'est bénin. 

Mais là, tout de suite, j'ai juste envie de faire arracher toutes les dents qu'il me reste et de porter un dentier pour être peinard pour le reste de ma vie. 

J'en ai marre. 


dimanche 25 janvier 2015

Le petit pont

Comme souvent par ici, j'ai trouvé ce petit pont par hasard, en cherchant un raccourcit pour éviter un centre village bondé (si, ça existe). 

C'est une petite route qui serpente pour contourner un château. Déserte, cachée. A droite, le parc du château, à gauche, des prés et des chevaux.

Pour accéder à cette route, il faut enjamber le cours d'eau qui passe dans la région par un petit pont de fer. 

Ici, pas de place à l'à peu près. On ne peut pas s'imposer, forcer le passage. C'est une voiture à la fois. Pas de croisement possible. 

Pourtant, la route est bien en double sens. Pourtant, nul panneau n'incite à une priorité. Ici, exception de la Société Française, on ne nous prend pas par la main. Pas de législation. Pas de code. Pas d'obligation. 

Juste du bon sens. 

Comme la visibilité est réduite, on se retrouve souvent face à face. L'un des deux doit faire marche arrière. 

Et curieusement, la plupart du temps, on fait marche arrière tous les deux. On se fait des politesses, des appels de phare, des signes de la main. 

Je n'ai jamais vu une seule altercation, un seul geste d'humeur. Une fois, j'ai même été guidée par des jeunes à scooter qui étaient garés sur les côtés et que j'avais peur d'accrocher. Ils m'ont fait signe, ils m'ont remercié et m'ont souhaité une bonne journée. 

C'est pour ça que j'aime ce petit pont. 

Éloigné, caché, préservé, c'est un pont solidaire. Un pont plein de gentillesse, de courtoisie. 

Un pont d'humanité. 


lundi 19 janvier 2015

Accident Domestique

(Moune, Paps, je vous rassure tout de suite, IL VA BIEN !!! )

J'ai toujours fait attention... à la température des biberons, de la purée, du bain, à empêcher l'accès aux médicaments, aux produits d'entretien (ce qui n'a pas empêché une douche au vinaigre blanc la semaine dernière...) (chut). Je tourne la queue des casseroles, je protège les coins des tables, j'essaie de faire tout ce qu'une mère parfaite doit faire. Brugnon sait qu'il ne doit pas toucher la cheminée de papi et mamie, le four, et tout ce qui ressemble à une tasse. Je pensais que ça pouvait arriver aux autres mais pas à moi. 

Pas à moi. 

Hier, Brugnon était fatigué et donc pénible. 

Il s'agrippait au placard sous l'évier et ne voulait pas le lâcher. 

Je devais égoutter des pâtes. 

Je l'ai repoussé, je me suis bien mise dans le fond de l'évier pour que l'eau ne saute pas de l'évier. J'ai fait bien attention. Puis j'ai voulu mettre les pâtes égouttées dans une poele. Brugnon me barrait le passage, toujours accroché à son placard. Je l'ai repoussé, mais il s'est mis à faire sa crise, hurlant à pleins poumons, toujours accroché à son placard. Je l'ai repoussé, j'ai tenté de décrocher sa main et là il a tout lâché, il s'est tenu le visage et il s'est mis à pleurer. 

Mon cerveau à fait le rapprochement; J'ai vu l'égouttoir que je tenais toujours de ma main droite. Egouttoir, gouttes d'eau brûlantes, visage de mon bébé. 

Visage de mon bébé. 

Brûlé. 

Ma faute. 

Ma faute. 

MA FAUTE. 

Vite, regarder, voir l'étendue des dégâts. C'était rouge, l'œil n'était pas touché (grâce à Dieu), vite, une compresse d'eau froide, de la crème, ça cloque ? ça cloque pas ? urgences ? pas urgences ? 

10 minutes plus tard, Brugnon était consolé, il jouait en éclatant de rire avec les chats et me réclamait un gâteau. Donc il allait bien. 

Une heure plus tard, il n'y avait déjà presque plus rien. 

Mais c'est là que j'ai réalisé. 

J'ai été faillible

ça m'est arrivé à moi. 

ça peut vraiment arriver à tout le monde; 

Voilà, c'est un article qui ne sert à rien, sauf à exorciser un peu la peur et la culpabilité de la mère en souffrance. 

Vous pouvez reprendre une activité normale.


mardi 13 janvier 2015

Le désert médical, c'est nul.

Titre accrocheur s'il en est ! 

Je t'expliques. 


source

Depuis 5 ans que je vis en Normandie, j'ai TOUJOURS galéré en matière de médecin ou de spécialiste. Je n'ai jamais pu avoir un rdv chez un généraliste, le seul que j'ai pu avoir a déménagé deux mois plus tard, tous les autres ne prennent pas de nouveaux patients. Et toi, tu viens d'arriver d'une autre région, et t'as besoin de voir un médecin mais voilà, même en plein burn out, même en pleurant au téléphone en disant que t'as des envies de suicide, la réponse est toujours la même "Je comprends bien madame, mais je ne peux rien pour vous, le Dr Machin ne prend aucun nouveau patient". 

Voilà. 

Démerdes-toi. 

Donc soit je me soigne toute seule, soit je fais 70 bornes et je retourne en région parisienne, soit je file aux urgences. 

Grâce à la naissance de Brugnon et au médecin de Pruneau (il est arrivé avant moi en Normandie et il a eu la chance d'obtenir le précieux graal : un médecin), j'ai réussi à trouver un médecin généraliste (adorable, en plus) pour Brugnon, et je profites de ses rdv pour parler de mes problèmes. 

Pour le dentiste, j'ai fait pareil. Pruneau avait dégoté un dentiste qui ne prenait plus de patient. Mais son fils bossait avec lui et coup de bol ! il avait de la place. 

Sauf que voilà, le premier rendez-vous il s'y est pris comme un bourrin (et moi, avec mon opération de la mâchoire, tout ça, je suis hypersensible de la denture). Du coup, j'ai laissé trainé pour le second rendez-vous. Et puis j'ai eu mal, alors je me suis forcée à y retourner. Il m'a fait une radio et là, il m'a dit que ma dent était trop abîmée : 

"Vous avez un abcès. Il faut le crever, attendre qu'il dégonfle, arracher la dent et mettre un implant"
"J'ai pas les moyens pour un implant"
"Mettez des sous de côté, on verra la prochaine fois". 

Je lui ai dit que la prochaine fois j'aurais toujours pas de sous, mais on a repris rendez-vous. 

J'y suis retournée. 

Il m'a refait des radios. 

"ah ouais, mais là, il faut mettre un implant". 
"Je ne PEUX PAS faire un implant". 
"Oui, mais moi, je ne peux rien faire, je ne veux pas arracher la dent sans la remplacer par un implant". 

Troisième fois je me suis dit qu'il FALLAIT qu'il fasse quelque chose et EN PLUS j'avais perdu une couronne. 

Nouvelles radio. 

"il faut faire un implant, et puis je vous le dis tout net, il faudra sûrement faire des implants pour toutes vos dents de devant". 
"Je suis au chômage, tes implants, tu peux te le mettre au cul, je ne peux pas faire d'implants, vous ne POUVEZ PAS laisser ma dent comme ça, ça fait 3 fois que je viens !". 
"Bon... à la limite... je peux essayer de la dévitaliser... (alleluia) mais c'est provisoire, le temps que vous mettiez de l'argent de côté (mais bien sûr)... mais pas maintenant hein, au prochain rendez-vous (ben tiens)". 
"Et pour ma couronne ?"
"Ah oui mais là... c'est pas moi qui l'ai posée... je ne peux pas prendre la responsabilité de la remettre... faut retourner voir votre ancien dentiste".

Voilà. 

Tout ça pour ça. 

Un mois plus tard, ma dent tombait, définitivement irrécupérable à cause de son incompétence. 

Je me suis retrouvée à me tordre de douleur. J'ai fini aux urgences, qui m'ont mis sous morphine, m'ont fait patienter 4h et m'ont filé une ordonnance avec plein de truc pour me shooter dessus en me disant "il faut trouver un dentiste". 

Et mon ancien dentiste de RP, il est parti à la retraite, son remplaçant est plus jeune que moi et il n'a de la place que dans 15 jours. Et comme c'est un cas délicat, pas sûre qu'il puisse faire quelque chose. 

J'aimais déjà pas aller chez le dentiste, mais là... 

Comment te dire... 

samedi 10 janvier 2015

Je chante

Je ne suis jamais malade. 

D'ailleurs, tu remarqueras que dès que je me plains d'être malade, je commence mon article par "je ne suis jamais malade". 

Je ne suis jamais malade sauf quand je le suis. Parce que quand je le suis, généralement, je ne fais pas dans la demi-mesure. 

Juste après Noël, j'ai eu l'occasion de me mêler aux microbes familiaux lors d'un des (trop) nombreux repas de fin d'année, et ça n'a pas loupé...

Je vais te passer les détails, mais deux jours après j'étais réfugiée chez mes parents, dans un état comateux, tremblant sous 3 couvertures devant un feu de cheminée, montant à 39 dans la journée. Brugnon a d'ailleurs été formidable, me tapant dans le dos quand je toussais et passant sa main fraiche sur mon front en faisant "pff pff" comme quand il voit ma tasse fumant le matin. 

J'ai été KO pendant 15 jours. 2 longues semaines. Les symptômes se sont accumulés, j'ai passé le nouvel an chez Nekazy dans un état second. je n'ai été que l'ombre de moi-même, n'effectuant que les tâches vitales comme un robot. 

J'ai perdu le net de vue. Un petit ange est parti au ciel et je n'étais même pas là pour le voir et pour soutenir sa maman. J'ai loupé des tas d'anniversaires et je n'ai répondu à aucune des demandes qu'on m'a fait ou des questions qu'on m'a posé. 

Ma table s'est couverte de colis et de lettres que je n'ai pas eu le courage d'emmener à la Poste. 

Mon sol s'est recouvert de linge sale et la même machine à tourné pendant des jours et des jours. 

J'ai chanté la Reine des Neiges à la rentrée de la nounou et j'ai passé des journées entières au fond de mon canapé, ne me relevant que pour aller chercher Brugnon. 

Et puis, enfin. Jeudi dernier, j'ai envoyé un sms à Pruneau "il n'est pas encore 9h et j'ai étendu le linge, je crois que je vais mieux" 

Dans les jours qui ont suivi, j'ai réussi à marcher un peu plus longtemps. J'ai pu prendre un vrai repas. J'ai fait tourner 3 lessives. 

Et, enfin, aujourd'hui, consécration totale, j'ai pu chanter dans la voiture. 

Sans me mettre à cracher mes poumons je veux dire. 

ça peut paraître anodin, mais prives-moi de ma voix et j'ai l'impression d'être Ariel après un passage chez Ursula. 

Chanter c'est ma vie. 

Je ne serais jamais connue, je n'ai pas de talent pour ça. 

Mais je chante. 

Après 15 jours de silence. 

Je vais mieux, mon corps est guérit

Et maintenant que j'ai retrouvé ma voix, après toutes les horreurs de ces jours passés, les débats puérils qui inondent la toile, toutes ces choses qui raisonnent en moi mais dont je ne veux plus parler, mon âme va guérir doucement aussi. 

Je revis. 

J'écris. 

Je chante. 


jeudi 8 janvier 2015

J'ai pleuré



Il m'a fallu 24h. 

Pour émerger. Pour réagir. Pour écrire. 

Je me suis tâté, comme à chaque fois, d'écrire cet article. 

Je me suis dit que ça n'allait servir à rien, que ça ne les ramènerait pas, que ça n'effacerait pas, n'atténuerait même pas cette tâche indélébile qui souillera à jamais l'histoire de la France. 

Mais c'est à la liberté d'expression qu'on s'est attaqué hier. 

Cette liberté d'expression qui me permet justement de choisir d'écrire aujourd'hui. 

Écrire ce que je veux. 

Parce que c'est mon droit. 

Et parce que ce blog est aussi un lieu de souvenir. 

Aujourd'hui, j'ai pleuré. Pleuré pour ma France qui souffre, qui à mal, à cause de deux hommes. 

Deux hommes, sur 65 millions, qui ont mis à mal notre liberté, qui ont ébranlé toutes nos certitudes en quelques minutes.

J'ai pleuré parce qu'à cause de ces deux monstres, mes amis musulmans, les vrais, les purs, sont stigmatisés, amalgamés, mélangés à la fange qu'ils ont dispersé autour d'eux. 

J'ai pleuré parce que j'ai peur. Peur du monde de haine qui se dresse devant moi et dans lequel je vais élever mon fils.

Et j'ai pleuré en entendant tous les gens rassemblés à Paris, à Lille, à Toulouse, chantant la Marseillaise. J'ai pleuré parce que sous la fange, il y a du joli. J'ai pleuré parce que, sur 65 millions, si 2 ont décidé de faire le mal, nous sommes des millions à souhaiter faire le bien. 

J'ai repensé au Chant des Partisans. 

"Ami, si tu tombes, un ami sort de l'ombre à ta place". 

Aujourd'hui, nous sommes tous Charlie. 

Et nous ne laisseront pas la Haine gagner. 

Bonne année.