dimanche 29 octobre 2017

Lettre à la Moi d'il y a 10 ans

Tu as sans doute déjà lu cette chaine sur Facebook : "si tu devais dire une phrase à la fille que tu étais il y a 10 ans, que lui dirais-tu ?". 

Cette chaîne m'a beaucoup énervée au début. Parce que j'étais en colère. Contre moi, surtout. En colère d'avoir choisi ce "père" pour mon fils, en colère de l'avoir défendu envers et contre tous, en colère d'y avoir cru - jusqu'au bout - en colère de m'être réveillée un jour, en colère d'avoir été aveugle, manipulée, crédule, stupide. 

J'avais alors mille mots fleuris pour la jeune gourde que j'étais il y a 10 ans. J'avais envie de lui dire que non, son histoire ne serait pas différente des autres. Qu'elle lisait trop d'histoires romantiques et que la réalité c'était parfois super moche. Que oui, elle allait perdre du monde, faire du tri dans ses amis mais qu'il ne lui rendrait jamais. Et surtout, ce qui lui ferait le plus mal, qu'il n'allait pas aimer son fils aussi fort qu'il le mérite. 

Aujourd'hui, j'ai déposé mon fils chez mes parents et nous sommes repartis, avec mon Barbu, pour une semaine à la maison sans lui. Durant tout le trajet du retour, nous avons discuté, nous avons rigolé, nous avons été mièvres et ça faisait du bien. 

Il m'a fallu du temps. Du temps et beaucoup de travail sur moi-même. Pour laisser entrer cet homme durablement dans mon coeur. Pour lui faire confiance et surtout pour avoir confiance en l'avenir. J'ai longtemps cru en beaucoup d'histoires qui sont mortes avant de commencer. Je ne mettais pas un sou sur celle-là, je n'y croyais pas du tout au départ. 

ça m'a fait repenser à une chanson d'Emmanuel Moire (woohoo, culture de folaïe). 

Parce que, comme je l'ai dit au début de notre rencontre, il faut savoir ce qu'on ne veut plus, avant de savoir ce que l'on veut. 

Il faut avoir vécu dans une mansarde de 40 m² sans ascenseur et sans isolation, pour apprécier vraiment un appartement récent et bien conçu avec un parking (même si les voisins sont super chiants). 

Il faut avoir fait des aller-retours à la laverie, pour apprécier une toute petite machine qui fonctionne bien. 

Il faut avoir passé un an sans four, pour aimer d'amour une vieille gazinière électrique que mon proprio juge à bout de souffle. 

Il faut avoir connu la passion destructrice et douloureuse, pour aimer l'amour tendre et délicat. 

Il faut avoir connu les histoires tortueuses et compliquées, pour aimer la douceur d'une histoire sans accrocs. 

Il faut avoir connu les sorties explosives et luxueuses, cachant l'abandon et la solitude, pour apprécier les soirées streaming tranquilles dans le canapé. 

Il faut avoir connu une famille atypique et une histoire bancale, pour apprécier la douceur d'un foyer uni.  

Aujourd'hui, mon fils est très attaché à son beau-père. Il prend exemple sur lui, il lui fait confiance, il rit et joue avec lui. 

Aujourd'hui, j'ai une belle-famille d'enfer, avec qui j'ai de réels liens et pour qui je ne suis pas une pièce rapportée qu'on regarde avec méfiance. 

Aujourd'hui j'ai un homme tendre et fort, drôle et intelligent, sur lequel je peux toujours compter et qui sera toujours là pour nous, comme je serai là pour lui. 

Un homme qui m'apprécie telle que je suis - même si ça le fait parfois grincer des dents - parce qu'il "aime avoir une femme pas comme tout le monde". 

Un homme jeune, mais mature, qui a su construire avec moi notre histoire autour de mon fils. On ne s'oublie pas, mais on ne l'oublie pas non plus. 

On jongle avec nos boulots, notre enfant, nos tâches ménagères et pourtant je n'ai JAMAIS l'impression de faire passer quelque chose avant l'autre. 

J'ai l'impression - enfin - de vivre en harmonie chez moi. 

Alors non, je ne dirais pas à la fille d'il y a 10 ans qu'elle va probablement faire la plus belle c*nnerie de sa vie. 

Je lui dirais que, pour apprécier un bon repas, il faut d'abord avoir faim. 

Que pour savoir courir, il faut d'abord apprendre à marcher. 

Et que pour apprécier vraiment son bonheur de demain, il faut peut être qu'elle souffre aujourd'hui.