La petite vieille au fichu

On l'a vu en marchant vers notre "pasteleria" préférée pour prendre notre habituel café-pâtisserie du matin.

Elle était la, sur le pas de sa porte, a discuter avec des voisines. Elle portait la tenue traditionnelle, une jupe en épais coton noir, un haut noir et un fichu comme seules les petites vieilles en portent encore pour signifier le deuil de leur mari.

Elle souriait, elle discutait, se tenant simplement a une canne pour supporter le poids de ses années.

Ma grand mère a voulu s'arrêter pour lui parler, rien de bien étrange, quand on vit depuis 85 ans dans la même ville on connait tout le monde.

En écoutant la conversation, un peu en retrait, j'ai compris qu'elles fetaient son anniversaire.

1913-2013

Elle venait d'avoir 100 ans.

Un siècle de vie. 

Elle a vécu 2 guerres mondiale, la révolution des œillets, et elle est toujours la.

Elle vit seule, autonome, mais ses enfants viennent la voir chaque jour et l'accompagnent jusqu'à son lit, au premier étage, de peur qu'elle ne chute.

Après avoir discuté un moment elle m'a vu, elle a demandé à voir le bébé qui dormait dans son landeau.

Elle s'est bien sûr extasiée sur ma merveille puis elle m'a dit avec des larmes dans la voix qu'elle lui souhaitait un formidable destin, plein de joie et de santé. 

On a repris notre chemin dans un silence circonspect. Un siècle la sépare de mon fils. Et sa bénédiction sonne a mes oreilles comme un précieux porte bonheur.

Quand on repousse la nature aussi loin, malgré d'humbles moyens, peu de médecins et jusqu'à il y a peu, ni eau courante ni électricité, on doit forcément être un peu dans le secret des dieux.

La Prune