lundi 10 octobre 2016

Peur sur l'hôpital

La maternité c'est un peu le service "rose" de l'hôpital. La suite de couche, c'est le moment où le plus dur est passé et où on peut enfin profiter de son p'tit bout d'cul rien qu'à soi. Papillons et paillettes. Chez nous c'est le bonheur, les gens ont le sourire, on nous offre des gâteaux, des pâtisseries, des chocolats, on nous propose même du champagne parfois. Les visites font des blagues, on nous envie souvent notre place et on nous dit qu'on a sans doute le plus beau métier du monde. 

Et c'est vrai. 

On nage dans le rose layette, les fleurs, les nounours et le caca

Mais la maternité, ça reste l'hôpital. 

Et l'hôpital, on a coutume de dire dans les journaux que c'est le reflet de la société. La misère sociale, la détresse et la violence quotidienne. 

J'ai fait 3 stages hospitaliers. Et j'y travaille au quotidien depuis presque 4 mois. 

Aujourd'hui, pour la première fois de ma jeune carrière, j'ai été confrontée à la violence. Des mots, des cris, des insultes, des menaces et des gestes. J'ai eu peur. Je n'ai pas été directement visée mais j'ai vu la situation dégénérer en quelques instants et j'ai eu peur. 

Mes collègues ont géré de manière exceptionnelle, j'ai essayé d'apaiser les choses à mon tour, nous avons fait bloc. Le ton est redescendu et nous avons pu reprendre notre service normalement. Mais bizarrement nous avons fait toutes nos sorties de l'après-midi dans le silence le plus complet. Il nous a fallu pas mal de temps pour discuter et rire à nouveau. 

Je comprends le stress, je comprends l'angoisse, je comprends l'inconnu, je comprends l'impatience. 

Mais je ne comprends pas la violence. 

Nous sommes agents, secrétaires, auxiliaires, aide-soignants, sage-femmes, infirmières, médecins. Nous travaillons au quotidien à votre service, pour apaiser les souffrances, pour alléger la douleur, pour apporter du confort et du réconfort. 

Nous sommes les derniers remparts face à l'inconnu, nous représentons la maladie, la souffrance. En nous violentant, peut-être ont-ils l'impression de violenter la maladie elle-même, la peur, la douleur. 

Mais sous la blouse blanche il y a des femmes, des hommes, des pères, des mères, des jeunes, des anciens.

Nous sommes humains.  


Et nous nous faisons agresser parce que nous manquons de temps, de moyens, de solutions. Nous nous faisons agresser parce que nous n'avons pas de réponse immédiate à apporter. Nous nous faisons agresser lorsque nous aussi, nous sommes impuissants. 

Parce que nous devrions tout voir, tout savoir, tout comprendre, tout maîtriser. 

Mais nous ne sommes qu'humains. 

Aujourd'hui, j'étais bien loin du rose layette et des petits poneys qui trônent sur mes crocs. 

Aujourd'hui, j'ai eu peur à l'hôpital. 



mercredi 5 octobre 2016

C'est mon fils

Cet été, j'ai passé pratiquement 2 mois sans voir mon fils. Mes parents avaient décidé de ne pas partir au Portugal - comme c'était prévu - quand j'ai été embauchée à l'hôpital. Cela leur permettait de profiter à fond de leur petit fils et à moi de travailler tranquillement et d'attendre la rentrée pour trouver une solution de garde périscolaire en horaires décalés (que je n'ai toujours pas vraiment trouvé d'ailleurs).

Ces deux mois de liberté, associés à mon célibat tout neuf, m'ont fait percevoir ce qu'était réellement une vie de jeune femme sans enfant, telle que je l'étais il y a 10 ans. 

Il faut savoir que j'étais beaucoup, beaucoup plus sage à 20 ans que je ne le suis aujourd'hui. J'étais fidèle à l'homme avec lequel je vivais, je n'avais pas vraiment de vie sociale et quand Brugnon est arrivé, je n'ai pas vraiment vu la différence, vu que j'avais déjà une vie de moine (enfin, de nonne). 

Sauf qu'aujourd'hui j'ai 30 ans, j'ai envie de bouffer la vie et de profiter pleinement de tout ce dont je me suis privée pendant toutes ces années de sagesse extrême.

Du coup, depuis la rentrée, je souffre un peu. Entre les horaires d'école, ceux de l'hôpital et l'absence de mes parents - qui ont fini par partir - j'ai l'impression de sombrer sous le poids du quotidien. 

Je dois choisir chaque jour entre rattraper tout mon retard de sommeil, m'occuper de la maison, des courses ou des différentes démarches extérieures. J'ai l'impression de négliger toutes les parties de ma vie au profit d'aucunes. Le temps et l'énergie me filent entre les doigts. Professionnellement j'adore mon boulot mais j'ai du mal à tenir le rythme, personnellement mon fils ne supporte pas mes absences et au niveau organisationnel, mon appart c'est bagdad (je m'appelle Baaaaaaaaaaaaaaaaaaagdaaaaaaaad) (c'est cadeau). 

Souvent je me demande à quoi aurait ressemblé ma vie sans mon fils. 



Si j'avais tout arrêté à temps, si j'avais réalisé bien avant que ma vie ne prenait pas la bonne direction. 

Évidemment tout serait plus facile. Je pourrais sortir quand je veux, dormir la nuit d'une traite, me lever tard le matin quand je suis du soir et faire la sieste l'après midi quand je suis du matin, enchainer les gardes sans avoir à anticiper ou à calculer quoique ce soit. 

Pas de crise parce que j'ai tiré la chasse d'eau ou fermé la porte de la voiture à sa place. Pas de réveil à 4h du matin parce que "un chat rouge et vert est entré dans ma chambre et m'a fait peur" ou juste parce que "j'ai assez dormi maman, c'est bon !". Pas de bassine à vomi ou de mouchage de nez. Pas de "pourquoi ? pourquoi ? pourquoi ? pourquoi ? pourquoi ? pourquoi ?" (je continue, si tu veux, je suis encore en dessous de la réalité). 

Oui mais voilà, cet après-midi sur la plage il est venu s'asseoir sur mes genoux et on a fait un gros calin en regardant l'immensité de l'océan. Et j'ai réalisé. 

C'est mon fils. 



C'est aussi simple que cela. 

Oui tout est plus difficile avec lui. Oui c'est une catastrophe pour ma vie amoureuse et pour ma vie sociale tout court d'ailleurs. 

Mais c'est mon fils. C'est juste une partie de moi. Aussi chiant et épuisant qu'il puisse être. 

Alors peut être qu'on finira notre vie tous seuls tous les deux, à se prendre la tête, à supporter des crises. Peut être que ce sera un Tanguy parce qu'il n'osera pas quitter sa maman ou que moi je n'arriverais pas à le laisser partir (mais j'ai des doutes, quand même). Peut être que je passerais ma vie à angoisser pour lui, pour sa vie, pour ses choix, pour mon compte en banque qui ne suit jamais. Peut être qu'il me mettra à l'hospice ou que je finirais comme ma voisine, entourée de mes chats et cloitrée chez moi à attendre qu'il vienne visiter sa pauvre mère. 

Mais aussi compliquée que soit ma vie avec lui. 

Sans lui elle est parfaitement impossible.