mercredi 21 mai 2014

La fille qui était (sûrement) Haut Potentiel


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J'étais assez "précoce" étant enfant. J'ai su lire à 4 ans et en CP on a évoqué le saut de classe, avant de brandir un grand "trop bordélique !". J'ai donc suivi un cursus normal. D'élève douée je suis passée à élève moyenne puis passable. J'ai eu mon bac avec mention assez bien sans trop me forcer je dois dire. J'ai fait ensuite un cursus court et me voilà secrétaire. 

Passons aux choses sérieuses.

Le Haut Potentiel, c'est quoi ? 


Le GARHP Groupe Associatif de Recherche pour le Haut Potentiel dit "Ce haut potentiel, c’est la capacité à ressentir, percevoir, comprendre les choses et l’environnement qui nous entourent, de façon plus aiguisée, plus fine, plus dense que la majorité des gens" il dit aussi "Tout est stimulation, tout est information à traiter, sans nécessairement avoir de hiérarchie ou de priorisation dans le traitement de l’information"

Je n'ai personnellement jamais pensé avoir un haut-potentiel. J'ai toujours l'impression d'être sous-cultivée. Comme beaucoup de gens, je pensais qu'il y avait d'un côté les surdoués, d'un autre tout les autres.

Sauf que. 


Sauf qu'un jour je suis tombée sur un statut Facebook de ma copine Dita qui disait (grosso merdo) "je n'arrive pas à suivre la conversation de ma fille, elle parle souvent de choses qui n'ont rien à voir avec ce dont on parle". J'ai répondu du tac au tac, très naturellement "moi aussi quand j'étais jeune, mes parents n'arrivaient jamais à suivre. Pour eux je passais du coq à l'âne parce qu'ils discutaient d'un truc A et que dans ma tête ça avait déjà fait A = B = C et que je commençais à parler de D". Et c'est là qu'elle m'a répondu "oui, c'est typique des enfants HP, mais c'est difficile à suivre". 

Je suis tombée de ma chaise. 

Je ne suis pas Haut Potentiel, moi !


Je me suis dit que j'avais encore parlé trop vite, et que j'avais voulu parler de ma science et que j'avais osé me comparer à une petite fille HP quoi (non mais la honte !) Je me suis renseignée. J'ai posé des questions. J'ai demandé à quoi on reconnaissait un HP et j'ai trouvé quelques pistes :

Une logique différente. L'impression de ne jamais comprendre personne. Comme avec mon ancien Directeur On voulait dire la même chose mais on passait des heures à discuter parce qu'aucun n'arrivait à comprendre l'autre. L'idée était la même, mais le cheminement différent. Un peu comme si pour lui 1 + 1 = 2 et pour moi 1 + 3 = 4 - 2 = 2 . C'est plus long, mais ça marche aussi. 

Le manque de confiance en soi. Cette saloperie m'a bouffé (et me bouffe encore) la vie. J'ai un complexe d'infériorité permanent. Je me sens nulle, tout le temps.

L'échec scolaire. Si j'étais bonne dans beaucoup de choses, j'étais nulle en maths. Mais vraiment. J'ai du arrêter de comprendre en CM1. Rien ne me semblait logique.

Les relations sociales tendues. J'ai toujours eu de gros problèmes relationnels. J'ai passé une enfance solitaire et repliée sur moi-même. J'ai un abord facile mais j'ai peu de relations durables. Je suis bien chez moi et toute seule la plupart du temps. Je fuis la foule, je fuis les gens. Je donne parfois l'impression de ne pas m'intéresser aux autres parce que je mélange tout. Je ne retiens ni les noms, ni les visages. Je ne supporte pas de dormir chez les gens parce que j'ai l'impression de ne pas être à ma place, de déranger. J'aimerais parfois avoir plus d'amis, mais la plupart du temps je ne les aime qu'à petite dose.

L'hyper-émotivité (oui, déjà, avant d'être enceinte et de pouvoir accuser les hormones). Je pleure souvent mais plus souvent encore, je me mets en colère. Si je trouve un cheval de bataille, malheur à celui qui me croise, et il m'est parfois arrivé de me mettre dans un état de nerfs terribles pour des broutilles (genre les gens qui font adopter leurs chatons avant 3 mois) (non parce que c'est pas bien hein). 

Des capacités qui sortent du lot. [Minute Je me la pète].  J'ai une très bonne mémoire des chiffres. Vas-y, donnes moi le code de ta Carte Bleue pour voir ! Parfois Pruneau essaie de me piéger en me demandant le code de l'hôtel de nos vacances en Bretagne d'il y a 4 ans (oui ça sert à rien, mais ça l'énerve, c'est déjà ça !). J'ai un très bon sens de l'orientation, je me fais plus confiance qu'à mon GPS. Parfois aussi, je sors des mots bizarres que personne ne connait mais qui existent vraiment. Appelle-moi Maître Capelo. (ça n'a rien d'extraordinaire, je te l'accorde, encore une fois j'estime ne pas être plus intelligente que tout le monde).

Une vie en marge.  J'ai toujours eu l'impression d'être le vilain petit canard de la famille. D'être différente. De ne pas faire les choses comme il faut. De n'être pas comme tout le monde. J'ai constamment l'impression d'être une rebelle, de n'être à ma place nulle part.

L'instabilité. J'ai besoin de changement. Tout le temps. Quand j'ai terminé "un chantier" j'en ouvre un autre. Ma vie doit être en perpétuel mouvement, avec des échéances qui me permettent de tenir. Je me lance dans énormément d'activités, je m'y investis, je veux être la meilleure et quand je me rends compte que ça n'est pas le cas, je "m'auto-déçois" et j'abandonne (musique, fimo, couture, tricot, crochet, broderie, etc etc etc...).

L'empathie. ça peut être une grande qualité mais c'est souvent une grande souffrance. Capter la joie des autres, savoir écouter et comprendre, ça m'apporte parfois beaucoup de bonheur. Pleurer dès que quelqu'un pleure, absorber le stress et la tristesse, ne pas supporter les caméras cachés ou les canulars tant on le prend pour soi, c'est autre chose.

Et donc je suis HP. Je fais quoi maintenant ? Et si mon fils l'est aussi ?

Il n'y a pas grand chose à faire malheureusement. Contrairement à nos amis Belges, la France - pour les HP comme pour les autistes ou toutes les autres formes de "différences" -  manque cruellement d'ouverture d'esprit et d'infrastructures. Au mieux, comme ce fut mon cas, on vous proposera de sauter une classe. En discutant un peu j'ai appris que le passage par le psy pouvait faire des merveilles, ne serait-ce que pour se sentir un peu mieux vis-à-vis de sa propre image. Ça peut aussi sûrement aider le parent à mieux comprendre son enfant.

En discutant avec 2 HP, (Dita, donc, et Mam en Nord) j'ai connu l'une des plus belles conversations de toute ma vie. Tout collait. Tout concordait. On se reconnaissait les unes dans le discours des autres. Même parcours, mêmes sensations, même ressenti. Que c'était bon ! Bon de sentir que je n'étais pas seule ! Bon de sortir "pareil !" toutes les trois phrases ! Bon de sentir que je n'étais pas un point bizarre parmi les autres, une étrangeté de la nature, une anormalité !

J'ai découvert que j'étais sûrement HP, et ça explique tout, depuis toujours. 


Concrètement ce constat ne changera probablement pas ma vie. Je ne me sens toujours pas plus intelligente que les autres. Mais je sais que je le suis différemment. J'apprends doucement à me connaître, à être moi-même, à m'assumer telle que je suis, physiquement et intellectuellement. Je ne cherche plus à être quelqu'un d'autre.

Voilà, aujourd'hui, après 28 ans de questionnement, de doutes, de craintes, de complexes je me dois de remercier Dita, Mam'en Nord et même Facebook pour ce statut saisi au vol qui a ouvert en grand cette porte sur moi-même.


La Prune


PS : Il y aurait encore tant à dire sur cette spécificité que je touche à peine du doigt, je t'invite à aller voir cet article passionant qui m'a fait pousser des cris devant mon écran.

4 commentaires:

  1. Je pense que si, ce constat peut te changer la vie :)
    On m'a dis "précoce" quand j'étais gamine, j'ai sauté une classe (histoire de me faire des amis encore plus facilement hhaa), j'ai eu mon bac mention AB sans bosser, je me suis planté comme une merde à la fac. J'ai voulu etre comme tout le monde, et je l'ai très mal vécu..
    Puis je me suis repenché sur la question grace au livre "No et moi" (que je te conseille) et ensuite au livre "Trop intelligent pour être heureux" (que j'ai quasi eu honte d'acheter haha).
    Et ca a été dur, mais ca a tout expliqué, j'ai appris à me connaitre, à me dire que voilà, j'étais différente, je ne pourrais pas le changer, mais que je pouvais apprendre à apprivoiser mon fonctionnement. Et ca fait un bien fou. Je suis beaucoup mieux maintenant, j'arrive à "exploiter" mon fonctionnement, pour que cela soit une force, pour avancer, encore et encore, et je suis vraiment bien :)
    J'ai laissé tomber les "amis", parce qu'en dehors de 2 personnes, je ne m'attache pas aux gens, j'oublie tout très vite...
    Tu peux aller faire un tour sur mon blog (déserté) si cela te dis : http://journal-dune-surdouee.blogspot.com., il parle de la surdouance.

    Et sinon, si ton fils est HP, le fait que tu ai apprivoisé ta surdouance cela l'aidera énormement. Il ne sera pas seule, il aura toujours quelqu'un pour le comprendre, pour suivre son raisonnement, comprendre ses états d'ames, son envie profonde de justice. Quelqu'un pour l'aider, et ca ce n'est pas rien ;)

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    1. Merci !!! J'ai eu une terrible peine amicale il y a 2 ans qui m'a fait comprendre qu'il fallait que j'arrête de vouloir me faire des amis coûte que coûte et surtout que j'arrête de vouloir ressembler à quelqu'un d'autre... C'est difficile d'être différent, mais une fois qu'on l'assume et qu'on ne cherche plus à le cacher, c'est nettement plus simple... J'ai la chance d'avoir un conjoint HP aussi (mais lui c'était plus flagrant), et je le considère comme mon pilier. Seulement nous avons découvert que notre relation "fusionnelle", l'impression de tout comprendre de l'autre, venait aussi du fait que nous avons des profils similaires... Je n'espère pas que mon fils sera HP car ce fut une grande souffrance pour moi et ça l'est encore par moment (des fois, j'aimerai bien arrêter de me poser des questions !) mais s'il l'est, effectivement, j'espère pouvoir le guider au mieux et le rendre plus serein face à sa spécificité que je ne l'ai été !!!
      Merci beaucoup pour ton commentaire !

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  2. Bonjour,
    Vos témoignages me font du bien.
    Nous sommes une famille de Hp, mon mari et moi le sommes, ce que nous avons découvert récemment en faisant tester notre fille qui l est également.
    Donc l aider à être heureuse nous permet, enfin surtout moi à guérir des souffrances passées. Mais les choses sont compliquées, le système scolaire inadapté et trop laxiste. Même si c est dur à gérer en tant que parent, C est un vrai bonheur d avoir un enfant Hp, je ne sais vraiment pas comment cela va se passer si mon fils qui a 2 mois est "normal".
    J'ai toujours voulu rentrer dans le moule, être comme les autres, être acceptée mais au final je ne comprends que maintenant que ma spécificité est une richesse à développer.
    Heureusement j ai eu un grand-père merveilleux, Hp aussi je pense (à l époque il avait passé 2 bacs en même temps), qui m à accompagné toute ma jeunesse, qui m à permis de m épanouir, qui me soutenait et croyait en moi. Et depuis sa mort, je ne me reconnais plus, je ne suis plus moi et je comprend à présent pourquoi, il était le seul à vraiment me comprendre et à savoir me "gérer". Et je me sentais normal à travers ses yeux, même mon mari ne me comprends pas tjs dans mes raisonnements.
    Mais aujourd'hui à travers les discussions avec les professionnels, vos témoignages, je souhaite redevenir celle que je suis réellement et profiter de ce merveilleux cadeau que la vue m offre d être un petit zèbre.

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    1. Honnêtement pour l'instant, mon fils ne présente aucun signe de précocité et j'en suis contente pour lui parce qu'il ne se sentira pas toute sa vie un mouton noir.
      Mais c'est vrai que c'est agréable aussi de ne pas rentrer dans un moule et de cultiver sa différence.
      Bon courage à vous.

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Les commentaires sont modérés alors ne t'inquiète pas s'ils mettent du temps à s'afficher, je suis pas toujours là mais ça finira par arriver et j'y réponds (presque) toujours !