jeudi 18 septembre 2014

La Maison au lierre.

C'était une vaste demeure fin XIXème je crois. Une demeure bourgeoise, comme il y en a pas mal dans la région, du temps où la ville était encore une petite bourgade de "campagne" avant de devenir la vaste ville de banlieue qu'elle est aujourd'hui. 

Cette maison je l'ai toujours connue. Elle faisait parti du paysage. Depuis 9 mois, je passais devant tous les jours. 

Mystérieuse, elle me captivait. Entièrement couverte de lierre, je ne manquais pas de m'imaginer toutes sortes d'histoires en passant devant. J'imaginais une vieille comtesse faible et fragile, toujours élégante malgré sa petite retraite, buvant son thé dans la pénombre d'un petit salon, regardant tristement la maison de ses ancêtres dépérir par manque de moyen.

Le parc n'était pas très grands, entouré de haies immenses qui débordaient sur le trottoir minuscule. Je râlais souvent de me prendre des branches dans la figure. 

Et puis, lundi, les haies ont été entièrement taillées. J'étais joyeuse. Quel changement ! Quelle clarté dans la rue ! Je pouvais enfin admirer la demeure dans son ensemble, quelle bonne idée ! 

Mardi, ils ont détruit une partie du mur d'enceinte et commencé à déblayé le jardin. On pouvait enfin découvrir ce qu'on ne voyait qu'à travers les barreaux du portail jusqu'à présent. Je me suis dit que quelqu'un s'occupait enfin de cette magnifique demeure à l'abandon. J'ai pensé que ma petite vieille était morte et que les héritiers avaient revendu la maison à un Emir du Quatar, soucieux de redonner à cette demeure le cachet qu'elle avait autrefois.

Et puis hier, j'ai vu des gens attroupés devant le chantier, visage fermé, grave, triste.

Et j'ai compris.


Et voilà. 

Pendant que j'étais au travail, sans me douter de rien, les dents d'une pelleteuse ont attaqué la belle maison. Elles ont grignoté le lierre, les murs, le carrelage vert de la salle de bain, les presque deux siècles de souvenirs qu'elle portait avec elle. Les réceptions mondaines, les soirées au coin du feu, les enfants qui jouent dans le jardin. Deux guerres mondiales. Des familles, des naissances, des morts. Des joies et des peines. Deux siècles d'histoire.

"Tu étais poussière et tu retourneras poussière". 

Et j'ai eu mal au coeur. 

Mal au coeur parce que cette maison a été construite du temps où le moindre détail devait être beau, ouvragé, soigné. 

Du temps où l'on aimait prendre son temps. Du temps où l'on préférait attendre mais avoir des finitions splendides et des demeures aussi exceptionnelles dedans que dehors. 

Et je suppose qu'à la place, ils vont construire une barre de HLM immonde sur des dizaines d'étages qui va gâcher le paysage et qui aura un rendu dégueulasse d'ici 20 ans. 

J'ai la rage. 

De ne pas avoir pu l'empêcher. 

D'être arrivée trop tard. 

De n'avoir pas pu remplir mes yeux et mon iphone de l'image de cette splendide maison. 

Parce que bientôt mon cerveau, rempli d'autres souvenirs, aura oublié la belle maison recouverte de lierre. 

Et ma petite comtesse n'existera plus pour personne. 




La Prune

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