vendredi 20 avril 2018

La tenue

ça fait 3 ans maintenant que je fréquente le milieu médical et j'avoue que s'il y a un truc que j'aime bien, même si c'est pas glamour, c'est la tenue. 

C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai su que je ne pourrais pas bosser ailleurs qu'à l'hôpital. 

J'aime le rituel d'avant le quart qui permet de se mettre dans l'ambiance. 

J'aime pouvoir m'habiller comme je veux, aussi excentrique que ce soit, parce que personne ne peut me juger sur ma tenue une fois que je suis au boulot. 

J'enfile mon habit de lumière et j'appartiens à la grande famille des paramédicaux. On se reconnait tous d'un seul coup d'oeil et on se tutoie tous, même si on ne s'est jamais vus avant (c'est d'ailleurs comme ça que j'ai tutoyé d'emblée un pompier que j'ai tenté d'assister sur un accident, alors que j'étais en civil et qu'on ne s'était jamais vus, il a du me prendre pour une dingue). 

Les gens viennent nous demander des conseils, même si on n'est pas du tout du service et pas du tout compétents pour leurs problèmes. 

On est le point d'ancrage, le repère, on est l'Hôpital. Pour le meilleur et pour le pire. 

A la maison, je pleures devant des vidéos Facebook, je ne supporte pas de voir des prises de sang en gros plan ou des films trop gores. Et je ne vous raconte même pas si un bras ou une jambe forment un angle bizarre. Brrr. 

Une fois que j'ai enfilé ma tenue, ça ne me touche plus. Je mets mon masque de soignante. Je peux assister à une prise de sang, un changement de pansement de cathé, un cathé ombilical retiré, une ponction lombaire... Ce sont des cas médicaux. Et plus un cas est compliqué plus c'est chouette. J'ai sauté de joie pour ma première ponction lombaire tellement j'étais contente d'assister à ça. 

Pire, dès qu'on commence à être touchées par un cas, ça fini dans un horrible humour bien bien noir. Mais du genre que je n'oserais même pas répéter en public tellement c'est horrible. Mais ça nous fait du bien. 

Alors parfois on nous trouve insensibles. Inhumains même. 

ça ne nous empêche pas de pleurer parfois. D'essuyer une larme discrètement quand on quitte une chambre. De pleurer franchement cachés dans un office. De se tordre le bide une fois à la maison pour un cas qui nous tracasse. Mais on nous a appris que ça n'était pas professionnel. On nous a appris qu'il faut être ouvert vers son patient, laisser nos problèmes et nos émotions au placard pour que l'enfant ne les capte pas. 

Alors en enfilant cette blouse, on laisse tout dans le vestiaire. 

Les peurs, les craintes, les doutes, la tristesse, le stress. 

On enfile le bas, le haut, on glisse les stylos 4 couleurs, le badge et les ciseaux dans la poche et pouf, on est quelqu'un d'autre. 

Et le soir, pareil, on jette la tenue au sale et les saletés de la journée avec. 

Bonjour, je m'appelle Prune, j'ai 32 ans, j'enfile un pyjama moche et pour moi, il a des pouvoirs magiques. 







2 commentaires:

  1. non mais l'humour noir, c'est thérapeutique et surtout c'est trop bon!

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    1. c'est ça ! on fini toujours par se justifier d'un "oh non, c'est horrible, on le pense pas hein !" mais ça fait trop de bien !

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Les commentaires sont modérés alors ne t'inquiète pas s'ils mettent du temps à s'afficher, je suis pas toujours là mais ça finira par arriver et j'y réponds (presque) toujours !